Les rétais ont répondu de suite à cette catastrophe. La solidarité, une de leurs vertus cardinales, à joué rapidement. Aides, secours, soutiens ont été immédiats. La Région, le Département, la Communauté des Communes, les Municipalités, les services de l’Etat, les pompiers, l’Armée, les Associations, les bénévoles se sont mobilisés et ont répondu au désarroi, à la détresse des sinistrés.
Voici venu le temps des assurances, de la reconstruction et de la réflexion sur le déroulement des événements.
D’abord, ce type de phénomène, ce vimer, exceptionnel, n’est pas nouveau dans l’île et dans la région. En premier, il rappelle clairement que la défense des biens et des personnes est de la responsabilité de l’Etat.
Un VIMER donc (s’écrit aussi vimére ou vimaire : terme utilisé depuis le XVII éme siècle), soit la triple conjonction d’une marée de fort coefficient (102), d’une tempête (niveau ouragan !) et celle-ci survenant au moment de la marée haute. Avec comme conséquence la rupture des digues et des inondations.
La prévision de Météo-France était claire : alerte rouge, pointe de vent et effet dépressionnaire plus forts que prévu, coefficient et heure de marée haute connus, trajectoire et heure de passage de la dépression bien définis. Quelques personnes sur Ré avaient fait le lien entre les 3 éléments conduisant à un vimer potentiel. Savoir que c’est déjà arrivé et que cela se reproduira, n’a pas valeur de prévision. On doit aller au-delà de l’alerte rouge lorsque les critères sont réunis, avec mise en garde, prévention, préparation, voire évacuation pour la population.
Le plan de prévention des risques (PPR) devra ainsi être revu, à la hausse.
Il se pose aussi des questions sur la constructibilité, des zones construites ou constructibles ; le SCoT en cours d’élaboration devra en tenir compte.
Qu’en est-il du passé ? La tempête du 27 décembre 1999, avec un vent bien plus fort (supérieur à 200km/h), ainsi que celle du 2 mars 1935, n’ont pas eu le même effet sur les côtes. Le dernier vimer remonte en fait au 9 janvier 1924, sensible de Royan aux Sables d’Olonne, avec des effets équivalents pour nous.
L’inondation des Portes le 16 janvier 1941, sans tempête notoire et fort coefficient de marée, résulte probablement d’une sorte de « tsunami » provoqué par un éboulement sous-marin. L’hypothèse d’une éruption volcanique ne colle pas avec le contexte tectonique de notre marge atlantique et s’accompagne toujours de séismes.
Bien d’autres vimers, certains très destructeurs, ont été répertoriés: l’analyse de leur occurrence donne une fréquence de 3 à 5 par siècle. Pourquoi cette longue interruption qui est déjà arrivée dans le passé ? La coïncidence entre les trois critères dépend du hasard. Il est arrivé que des vimers se succèdent en quelques années. Il y a eu aussi « accalmie » après d’importants travaux de remise en état des digues - après 1724 et 1842. Même chose après 1924. Depuis, dégradation continue des digues par manque d’entretien régulier.
Leurs conséquences: ils affectent surtout le canton Nord, avec inondations des marais et champs, suite à la rupture des digues externes de Saint Clément, d’Ars: Martray et Boutillon et des digues internes du Fier et de la fosse de Loix. Comme maintenant…Le canton sud est également touché.
Notre Bulletin (voir les numéros : 16-sur la tempête de 1935, N° 69 sur les écluses et plus récemment l'éditorial du N° 97) a souvent évoqué ces questions de protection des côtes. Citons aussi les Cahiers de la Mémoire (Groupement d’Etudes Rétaises par J.Boucard ) et son N° 75- été 2000- rédigé par Pierre Tardy : « Raz de marée sur Ré- Les rétais et les vimers ». Voila pour le coté historique.
Plus récemment…dans un rapport pour le Conseil Général : « Etude de définition de dispositifs de défense contre la mer » (2003), il est écrit sous le titre « pas d’intervention généralisée » : « les digues sont soit en bon état relatif, soit il est acceptable de tolérer une dégradation définitive de l’ouvrage, avant éventuellement une réfection complète si l’endigage est considéré comme indispensable ».Les habitants de Saint Clément (nos amis Villageois) et d’ailleurs apprécieront ! Soulignons le « acceptable » et « éventuellement ». Nous y sommes…
Toujours pour le Conseil général, en 2007, un rapport « Diagnostic des digues maçonnées « extérieures » de l’île de Ré ». Un ensemble de cartes indique par un code de couleur (et du texte) l’état de nos digues. Beaucoup de « rouge » (mauvais état), discontinu parfois, sur les zones qui ont cédé : à St Clément, Ars…
L’état de nos défenses, de nos digues était connu, décrit, inventorié. Seulement on ne savait pas quant devait survenir le vimer !
Suite à l’enquête publique qui a conduit la CDC a prendre en charge une partie de nos digues, nous avions écrit, René Mercier (Président de l’Association de protection des sites de La Couarde) et moi, au Préfet, car d’une part nous considérions que la procédure n’avait pas été respectée et d’autre part que les conclusions du commissaire enquêteur étaient superficielles, d’où des décisions de la CDC inadéquats. Mes observations sur l’enquête publique avaient été qualifiées de « critiques excessives » ; il est possible qu’elles ne l’aient pas été assez ! Le Phare de Ré a fait de nombreux articles sur nos côtes et leur protection depuis des années …
Dans un entretien avec le Journal des propriétaires de l’île de Ré (N° 31-Février/Mars 2010), j’indiquais en matière environnementale comme priorité : « sans hésiter, la défense des côtes, qui concerne essentiellement le canton nord… » ... et plus loin : « mais si la côte est mal défendue, les digues peuvent craquer. Autrefois il y avait un entretien régulier et constant des digues … ».
Notons aussi le stockage judicieux, témoin de la conscience de ce possible événement, de bri et d’enrochements à Ars et St Clément.
C’est du passé, … maintenant il faut trouver d’autres solutions et surtout agir avec sérieux, efficacité et des priorités. Pas de prévision (quand...?), mais des propositions, des solutions techniques possibles, à débattre, en réponse aux risques attendus.
*Le rôle et la responsabilité de l’Etat sont désormais établis.
*Il semble évident que l’écotaxe à partir de 2012 doive aller en priorité et majoritairement à la défense de l’environnement.
*Une contribution exceptionnelle et temporaire (de 2€ ?) pourraît être ajoutée au tarif du péage du pont pour participer aux dépenses en cours.
Soyons conscients que la grande majorité des travaux, urgents et nécessaires, n’est que provisoire. Les « tas de cailloux » remplis de terre ne résisteront pas longtemps,….voir à St Clément il y a quelques temps.
Il y aura inévitablement d’autres vimers. Et malgré tout, d’autres destructions. On peut, on doit compléter le système de défense de nos digues, en avant et en arrière. Surtout, changer d’approche technique face à ces risques.
*Les écluses à poissons autrefois atténuaient le déferlement des vagues et de la houle au dessus de l’estran. Pour protéger les digues et diminuer le courant de dérive littorale (qui provoque une érosion) on doit installer des brise-lames, en enrochement en avant et parallèlement aux digues.
*Bas des digue: reposent à St Clément sur des calcaires (banches) peu épais, friables, fracturées. Voir photos satellite (internet) ou les affleurements sont sans continuité, « hachés ». Dans tout ce secteur, il faut des fondations solides.
*Haut de digue: le chemin de passage doit être incliné vers la mer, afin que l’eau ne s’écoule pas en arrière de la digue. D’une façon générale, les arrières des digues doivent être stabilisés, plantés, en pente douce et inaccessibles.
*A distance des digues, en second rideau, on pourrait imaginer des levées en terre (> 1m ?) qui isoleraient les champs des inondations. Par ailleurs, on constate que la départementale, les chemins en dur et les pistes cyclables compartimentent l’inondation. Dans les creux, il y a communication, (déviation de la Couarde..). En surélevant (de 50cm à 1m…) ces différentes limites matérielles, après une étude morpho-topographique de détail, on pourrait contenir l’extension des zones inondables. Il faudrait aussi ajouter des fossés de drainage.
*Les ports: venant du pertuis d’Antioche, la mer, les vagues sont entrées dans nos ports d’Ars, St-Martin et La Flotte. On peut y ajouter Loix et le Goisil. Une défense, type muret de séparation sur les autoroutes (hauteur de 60 cm à 1m ?), encadrant les quais, et séparant les piétons de la circulation, protégerait de l'eau.
Nous sommes maintenant en état de faiblesse et de fragilité. Nous devons reconstruire et nous protéger. Tenir compte de réalisations positives et ne pas répéter les travaux entrepris auparavant sans résultats. De façon durable : ce qui veut dire fixer des priorités, un échéancier, des financements, donc un plan à long terme sur plusieurs années. Il s’étendra au delà des mandats en cours de nos élus …
Il nous reste à agir : que chacun propose, discute, … mais que l’on comprenne bien : cela reviendra.
Pierre BOT