Depuis 70 ans, les Amis de l'Île de Ré (A.I.R.) sont attachés à la préservation du cadre de vie et à l'avenir de l'Île de Ré. Ils ont notamment pris part aux travaux du SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) et du PLUI (Plan Local d'Urbanisme Intercommunal) en 2019. On rappellera que le PLUI recouvre de nombreux domaines comme l'urbanisation, les activités économiques, la démographie, la sociologie, les risques naturels, le tourisme, l'habitat, etc... ).
En 2024, se profile la future
révision (ou de futures modifications) du PLUI. Les A.I.R. entendent rester vigilants sur les évolutions à venir
de ce PLUI. Ils souhaitent rappeler les principes d'urbanisation qui restent
pour eux intangibles : pas d'urbanisation hors des limites des villages
arrêtées en 2019, maintien des coefficients de pleine terre, préservation de
l'architecture rétaise et forte limitation des constructions à plusieurs
niveaux.
La révision (ou les
modifications) future(s) devront nécessairement intégrer les impacts du
dérèglement climatique, du recul du trait de côte et des risques de submersion,
de l'évolution de la démographie et de la sociologie locale, de l'économie
locale.
Parallèlement à l'actualisation du PLUI, le principe d'un Programme Local de l'Habitat a été voté en Conseil Communautaire le
15 décembre 2022 et devrait aboutir à un plan d'actions au cours du premier
semestre 2024.
Les Amis de l'Île de
Ré souhaitent préciser ici les grandes lignes de ses positions sur les
problématiques liées à l'urbanisation de l'Île de Ré.
Quels constats en matière de
logement ?
Des difficultés de logement pour les
ménages rétais et, plus largement, pour les personnes travaillant sur l'Île de
Ré, pour les saisonniers et pour tous ceux désireux de venir s'installer sur
l'Île de Ré.
Si
l'Île de Ré a de longue date mis en place une politique de construction de
logements aidés (en location ou accession à la propriété), force est de
constater que le chemin est encore long avant de satisfaire toutes les
demandes.
Un fort développement des locations
saisonnières au détriment des locations à l'année (certaines communes affichent
un taux de 75% de résidences secondaires potentiellement louées via les
plateformes Airbnb ou Abritel).
Une démographie préoccupante, même si
les derniers indicateurs de l'INSEE montrent une certaine stabilisation de tendance.
Un territoire qui subit une érosion marine
constante, entraînant un recul tout aussi constant du trait de côte et
réduisant de facto le périmètre des zones constructibles.
Un risque de submersion menaçant de
s'accentuer avec l'élévation du niveau des océans.
Nombre d'habitations rétaises qui méritent
d'être mises aux normes pour réduire les émissions de gaz à effets de serre, assurer
une bonne isolation énergétique et remédier aux passoires thermiques, via la
mise en place de la loi Climat et Résilience.
F
Toutes ces évolutions rapides induisent que des décisions soient tout aussi
rapidement prises et redéfinies dans le Plan Local d'Urbanisme Intercommunal.
Elles induisent aussi un accompagnement juridique et financier pour inciter les
propriétaires à engager ces travaux, plutôt qu'à imposer un cadre rigide,
éloigné de la réalité des situations.
Rapide, car il y va du maintien d'un
certain art de vivre auquel sont attachés tous les rétais (permanents et
secondaires), et par-dessus tout, de ce que sera l'Île de Ré dans 10 ou 20 ans.
Quels leviers pour agir ?
Sans prétendre développer ici
l'intégralité des mesures susceptibles de remédier à cette problématique du
logement, les A.I.R. proposent d'étudier de près un certain nombre d'entre
elles.
s Classement en zone tendue : Pour endiguer le développement des locations saisonnières meublées et réduire le risque d'assèchement du marché à destination des habitants en recherche de locations à l'année, on rappellera qu'en application de la loi ALUR (Loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové) et du décret d'août 2023, toutes les communes de l'Île de Ré ont été classées en Zone tendue, permettant aux communes et EPCI (Communauté de Communes) de prendre des mesures de nature à rééquilibrer le ratio Habitat à l'année/Habitat saisonnier.
Ce déséquilibre entre les
logements disponibles à la location à l'année et le besoin de logements des
locataires est avéré sur l'Île de Ré, avec comme conséquences des prix de
loyers élevés et des demandes de location largement trop élevées au regard du
nombre de logements disponibles dans le parc locatif social (environ 450
demandes actuellement en attente).
Mais ce manque de logements
locatifs à l'année a également un impact sur les diverses activités économiques
de l'Île, qu'il s'agisse de loger des ménages actifs à l'année ou bien de loger
ponctuellement des saisonniers ou des employés venus du continent pour réaliser
un chantier. Limiter le flux de personnes tenues de faire l'aller-retour entre l'Île
de Ré et le continent, en permettant à ces actifs de se loger sur l'Île aurait
à coup sûr des conséquences fortes sur le dynamisme, voire sur la survie de
plusieurs commerces de l'Île. Ajoutons que ce flux actuel de personnes actives
entre le continent et l'Île de Ré n'est pas sans conséquence sur la
problématique de circulation et de mobilité ainsi que sur les émissions de CO2.
Parmi les mesures permises par le classement en zone tendue
figure aussi l'application d'une taxe sur les logements vacants (TLV), logements qu'il conviendra donc
d'identifier.
Toujours dans le cadre d'une zone tendue,
les communes peuvent appliquer une majoration de la taxe d'habitation à laquelle sont soumis les
propriétaires de résidences secondaires, que ces dernières soient louées ou pas.
C'est d'ores et déjà ce qu'ont décidé certaines communes de l'Île.
Sur
ce point, les Amis de l'Île de Ré ont une position réservée : ils souhaitent
qu'en tout état de cause, cette surtaxe soit fléchée vers le rachat et/ou la
rénovation d'habitations destinées à des logements aidés, mais de façon plus générale,
ils considèrent préférables l'incitation à faire et l'accompagnement de la
démarche vis-à-vis des propriétaires, plutôt que des mesures financières
coercitives, susceptibles de décourager les propriétaires loueurs de mettre des
locations à l'année sur le marché et d'améliorer les performances énergétiques
de leurs logements.
Par ailleurs, l'Île de Ré étant classée
en zone tendue, les aspects fiscaux, qui ne sont pas à la main des élus locaux,
gagneraient à être revus pour réduire les avantages liés aux locations
saisonnières meublées dont les revenus bénéficient d'un abattement fiscal
pouvant aujourd'hui atteindre 71%* tandis que les revenus issus des locations
vides à l'année ne sont assorties que d'un abattement de 30%.
* A noter toutefois que l’abattement
fiscal des meublés de tourisme tombe (à compter des revenus 2023) à 50% au lieu
des 71% pour les zones tendues (Loi de finances 2024 publiée fin décembre 2023)
s Evolution de la démographie : avec 43%
de plus de 60 ans, il y aura lieu d'adapter l'offre et la taille
des logements aidés, tant il est vrai que dans l'ordre de préférence de la
population âgée, le fait de pouvoir rester sur l'Île de Ré vient assurément
avant le fait de loger dans un vaste appartement.
Les
Amis de l'Île de Ré préconisent d'envisager des logements de plus petite taille, des résidences seniors
avec services, des solutions de mobilité adaptées.
s Le
foncier : on rappellera que la
France s’est fixé, dans le cadre de la loi Climat et résilience*, l’objectif
d’atteindre le « zéro artificialisation nette des sols (ZAN)» en 2050, avec un objectif
intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels,
agricoles et forestiers dans les dix prochaines années, d’ici à 2031.
*Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le
dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
Cette trajectoire progressive
est à décliner dans les documents de planification et d’urbanisme : les schémas
régionaux doivent intégrer et territorialiser cet objectif avant le 22 novembre
2024, et les PLU/Cartes communales doivent être mis en compatibilité
respectivement avant le 22 février 2027 et le 22 février 2028.
Se pose dès lors la question
du calcul de l’artificialisation nette du territoire. Ceci est le solde entre les
surfaces nouvellement artificialisées (création de bâtiment, route ou parking
goudronnés, voie ferrée, décharges…) et les surfaces nouvellement
désartificialisées (restauration de cours d’eau, de zones humides, de mares, de
terres agricoles, de forêts, de prairies, création de parcs urbains publics ou
de jardins privés boisés...).
En vertu du Projet
d’Aménagement et de Développement Durables (PADD) en vigueur sur l'Île de Ré et du Plan Local d'Urbanisme
Intercommunal (PLUI), la
consommation d’espace est déjà très contrainte : elle est limitée, pour ce qui
est des extensions urbaines, aux compensations de surfaces devenues
inconstructibles au titre du Plan de Prévention des Risques, et est réservée à
des projets d’intérêt général : logements aidés (locatifs ou en accession
sociale), zones d’activités économiques (artisanales ou commerciales) ou
constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt
collectif, elle permet par ailleurs le comblement de « dents creuses ».
Est également prévue dans
l'actuel PLUI de l'Île de Ré la notion de coefficient de pleine terre qui va
dans le sens de la loi ZAN. L’espace en pleine terre correspond à la surface du
terrain non artificialisée, en pleine terre et plantée. A l’exception des
dispositifs d’assainissement autonome, des dispositifs d’arrosage enterré, des
installations techniques nécessaires aux services publics ou d’intérêt
collectif et des sentiers de dalles (de type « pas japonais »), il ne peut pas
faire l'objet de constructions, y compris enterrées, d'installations et
d'aménagements conduisant à limiter la capacité naturelle d'infiltration du sol.
Enfin, toujours pour ce qui
est du foncier, évoquons la garantie
« trait de côte » relative aux critères de territorialisation et qui concerne
directement l'Île de Ré. La déclinaison territoriale doit tenir compte des
enjeux d’adaptation et de recomposition spatiale du territoire des communes
figurant sur un décret liste en permettant notamment de réaliser les
recompositions nécessaires de constructions, d’ouvrages ou d’installations
menacées, tout en tenant compte des caractéristiques géographiques locales,
environnementales et paysagères. Les surfaces artificialisées situées dans une
zone exposée au recul du trait de côte à horizon 30 ans pourront être
considérées comme désartificialisées, dès lors que ces surfaces ont vocation à
être renaturées dans le cadre d’un projet de recomposition spatiale du
territoire littoral.
s Le diagnostic de performance énergétique (DPE) a été changé en 2021 pour désormais tenir compte à la fois de la
consommation primaire d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre (GES)
des logements. A ce stade, un audit énergétique (coût d'environ 1000€) est
exigé en cas de vente. Progressivement, s'étendant jusqu'en 2028*, les
locations des passoires thermiques et énergétiques seront interdites, pour ce
qui concerne les locations vides à l'année. Mais à ce stade, aucune exigence en
la matière n'est fixée pour les locations saisonnières meublées.
* Interdiction de mettre en location les
logements mal isolés : les étiquettes G à compter de 2025, les F en 2028 et les
E en 2034.
Les Amis de l'Île de Ré
considèrent que la réduction des gaz à effets de serre constitue une urgence
environnementale et que les interdits de ventes ou locations devraient
concerner aussi les locations meublées saisonnières. Mais en ce domaine aussi,
parce qu'ils préconisent une approche pragmatique, et parce qu'il ne faudrait
pas mettre en péril l'économie touristique de l'Île, les Amis de l'Île de Ré recommandent
de laisser, pour les locations saisonnières de tous logements en dehors des
résidences principales, un délai supplémentaire aux propriétaires pour réaliser
des travaux de rénovation des logements qu’ils louent en meublés saisonniers.
s Inciter
les propriétaires à louer à l'année : Force est de constater que la réglementation des locations à
l’année reste très favorable aux locataires: elle interdit au propriétaire
d’une résidence secondaire de reprendre son bien autrement que pour l’habiter à
titre principal, ou le vendre. Dans l’île de Ré, l’obligation de renouveler le
bail à la seule initiative du locataire est un facteur très important de
raréfaction de l’offre locative à l'année.
Il faut donc envisager des accompagnements incitatifs si l'on veut aboutir à élargir l'offre de locations à l'année, tout en répondant au triple objectif: logement à l’année avec loyer modéré, rénovation énergétique et ZAN. Parmi les soutiens possibles, on citera :
- MaPrimeRenov' est une
aide au financement de la rénovation énergétique des logements,
qui dépend du niveau de ressources et de la nature des travaux prévus.
En faisant évoluer MaPrimeRénov' dès le 1er juillet 2024 prochain, l'aide vise à favoriser les rénovations énergétiques globales pour les logements les plus énergivores (classés F ou G selon le DPE), et à accompagner la décarbonation des usages en chauffage et eau chaude. - Augmentation
de l’incitation fiscale à rénover : doublement du déficit foncier sur les revenus globaux (21.400 euros jusqu’en 2025 au
lieu des 10.700 euros). Il s’agit d’une réduction d’impôt au même titre que la loi
PINEL, et qui encourage la mise en location à l’année de logements rénovés.
- Loc’avantage : il est possible d’obtenir jusqu’à 60% d’abattement fiscal sur les
revenus locatifs lorsque l’on a rénové une maison.
- Il
est également possible d'obtenir des subventions pour rénover en contrepartie
de la mise à disposition de logements à des personnes à revenus modérés avec un
loyer modéré et ce, pendant 6 ans (et non plus 9 ans comme il y a encore un
an). Objectif : encourager l’offre de logements à l’année en résidence
principale et en même temps la rénovation d'habitations anciennes.
- Les
subventions de l’ANAH (Agence Nationale de l’Amélioration de l’Habitat) sont de
35% du montant HT des travaux. Dans certaines communes, comme à Niort, il y
a une contribution de la ville et de Communautés de Communes en sus
de 25%, ce qui permet de porter jusqu’à
60% du montant des travaux HT le montant des subventions.
Enfin,
les Amis de l'Île de Ré souhaitent pointer l'aspect
Urbanisme comme faisant partie intégrante du sujet de l'habitat. On a pu en
effet observer depuis 20 ou 30 ans des constructions réalisées en périphérie
des villages alors que la tradition était de concentrer les constructions en
cœur de village avec un étage et des bâtiments mitoyens, la façade en
alignement de la rue. Cette évolution a été la règle dans toute la France
entraînant la disparition des commerces de villages au profit de zones
commerciales périphériques et la circulation des voitures. Il est donc urgent
de réagir pour revitaliser les petits commerces de centres villages, qui
pourraient ainsi regagner une activité à l'année avec des habitants également à
l'année.
En conclusion, investir dans des habitations à
rénover, dans du foncier, rétablir une certaine équité fiscale entre loueurs à
l'année et loueurs saisonniers, protéger les habitations des risques naturels, adapter
les tailles de logements pour permettre aux plus anciens ne disposant pas de
revenus suffisants de rester sur l'Île de Ré : ce sont là les vœux que
formulent les Amis de l'Île de Ré pour 2024 et au-delà.
Chantal Dutheil
Groupe / Logement
des A.I.R. amisdere@wanadoo.fr